19. La composition
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La composition. Ce procédé de formation, quoique moins pro¬ductif que la dérivation affixale. occupe une place importante dans le système formatif du français d'aujourd'hui.
La composition est interprétée de façon différente en linguistique.
Selon une conception très répandue un mot composé en français n "est pas seulement celui qui est formé par l'adjonction de bases différentes comme, par exemple, en russe «пароход, самолет». mais n'importe quelle expression qui présente un groupement constant et usuel expri¬mant une notion, un seul concept. C'est pourquoi les locutions telles que chemin de fer, boîte aux lettres, pomme de terre, etc.. sont traitées com¬me de mots composés.
Dans la linguistique russe cette opinion simpliste sur le mot a été contestée : si chaque mot exprime effectivement une notion, un concept, il serait abusif d'affirmer que n'importe quelle expression ou locution exprimant une notion serait un mot. Selon l'académicien V. V. Vinogra-dov les groupes tels que chemin de fer, salle à manger, avoir envie (hâte, horreur, peur, pitié, etc.), chercher querelle, donner congé ne sont guère des mots composés, mais tantôt des unités phraséologiques, qui par leurs fonctions sont souvent des équivalents de mots, tantôt des groupes de mots libres [30, c. 210].
Il a été signalé précédemment1 que le professeur A.I. Smirnitsky avan¬çait le critère de l'intégrité formelle permettant de distinguer les mots composés des groupes de mots. Dans chaque langue l'intégrité formelle revêt un caractère particulier. A.I. Smirnitsky a mis l'accent sur l'intégri¬té morphologique des mots.
Pour le français l'intégrité formelle doit être comprise avant tout com¬me l'absence de rapports syntaxiques entre les composants d'un vocable qui grammaticalement et phonétiquement fonctionne comme un tout indi¬visible. Tant qu'il existe un rapport syntaxique vivant entre les éléments d'une formation on ne peut parler de mot. Quant à l'écriture liée des mots (la présence d'un trait d'union), elle n'est qu'un indice accessoire, l'or¬thographe française étant conventionnelle.
Il en est ainsi pour les formations du type timbre-poste qui sont qua-lifiées de mots composés par les linguistes français. Ici, les rapports syn-taxiques sont les mêmes que dans les groupes de mots libres qui surgissent en abondance dans la parole, tels valise avion, climat festival, début janvier,fm décembre, etc. En conséquence, timbre-poste ne saurait être con¬sidéré avec raison comme un mot composé, il devrait être traité de groupe de mots usuel. Il en va de même pour les néologismes tels que allocation-logement, crayon-feutre, assurance-maladie ou ville-dortoir, café-bar, école-pilote, homme-grenouille, mot-valise.
Par contre, il arrive que les éléments d'un vocable semblent présen¬ter un rapport syntaxique vivant et toutefois ce vocable doit être qualifié de mot composé. Qu'est-ce qui nous y autorise ? C'est parfois la non-conformité de sa structure morphologique à celle du groupe de mots cor¬respondant. Dans gendarme on rétablit aisément gens d'arme(s). Cependant gens d'arme(s) est le pluriel de homme d'arme, alors qu'on dira tout aussi bien un gendarme que des gendarmes.
Même là où autrefois on avait un groupe de mots on peut se trouver aujourd'hui en présence d'un mot composé dont les éléments n'offrent plus de rapport syntaxique. Tel est le cas de rouge-gorge. Les rapports syntaxiques qui existaient dans l'ancien français entre les éléments de cette formation ne correspondent plus à ceux du français moderne ; cela signifie qu'il n'y a plus aujourd'hui de rapport syntaxique à l'intérieur de ce vocable qui est devenu à la suite de son développement historique un mot composé. Le s que l'élément rouge prend au pluriel (rouges-gorges) n'est point la marque d'un rapport syntaxique actuel, mais rien autre qu'un vestige de l'ancien rapport syntaxique conservé par l'ortho¬graphe traditionnelle et retardataire. Les vocables du type de rouge-gor¬ge, rond-point, grand-rue doivent être traités de nos jours de mots composés formés par l'adjonction pure et simple de bases normatives différentes.
Parfois c'est la non-conformité du fonctionnement syntaxique du mot composé à celui des éléments du groupe de mots correspondant. Un qu 'en dira-t-on, un sans- le-sou, le trop-plein (de l'âme), un prêt-à-porter fonc¬tionnent comme des substantifs quoique souvent il n'y ait même pas un seul substantif parmi leurs composants.
C'est aussi la non-conformité de la prononciation des éléments d'un mot composé à celle du groupe de mots correspondant. Tels sont les cas de vinaigre, béjaune (cf. à la prononciation de vin aigre, bec jaune).
La disparition d'un rapport syntaxique ancien à l'intérieur d'un vo¬cable a souvent pour conséquence que ce dernier constitue un modèle de formation pour la création d'autres mots composés.
La composition est surtout caractéristique des noms.
Passons en revue les types essentiels de mots composés dans le fran¬çais moderne.
Les mots composés qui ont été originairement formés à l'aide de plusieurs bases formatives : microscope, galvanomètre, bibliophile, gy¬rophare, téléscaphe : les bases formatives de certains de ces composés sont reliées par les voyelles-copules -o- et -i-. hydroplane, phonographe, magnétophone, fî/moscope, technocrate, tyrannicide ; franco-russe, russophile, politico-économique, vermivore, fébrifuge, horticulture.
La plupart de ces composés sont des formations savantes créées et employées dans l'une ou l'autre terminologie spéciale. Pourtant il ne faut pas en conclure que les créations de ce genre restent àjamais confi-nées dans la terminologie. Avec la vulgarisation des réalisations techni¬ques et scientifiques, tout comme les autres mots savants, elles pénètrent dans la langue commune. Même des créations récentes telles que cosmo-naute, cosmodrome, gazoduc, discophile sont devenues d'un usage cou¬rant.
La présence dans ces composés d'éléments latins et grecs leur confè¬re souvent une portée internationale.
Par contre les autres types de mots composés sont des créations po¬pulaires d'un large emploi.
Tels les substantifs composés dont le premier élément est étymologi-quement un verbe transitif (à l'impératif, conçu plus tard comme la 3' personne du singulier du présent), le second - un substantif, exprimant le régime de l'action : hochequeue, presse-purée, presse-papier, monte-char¬ge, porte-clefs, tire-bouchon, porte-plume, garde-robe, passe-thé, gagne-pain, hochequeue, perce-neige, brise-glace, couvre-chef, passe-temps, couvre-lit, coupe-ongles, passe-montagne, vide-ordures, épluche-légumes, pèse-personne, porte-savon, sèche-cheveux.
L'absence de l'article devant le substantif nous autorise à qualifier ces formations de mots composés (cf. : aux groupes de mots libres correspon¬dants : il tire le bouchon, il passe le temps, etc.).
Ce procédé de formation est particulièrement fécond en français con¬temporain. Parmi les formations récentes nommons : lave-linge, lave-gla¬ce, lave-vaisselle, porte-bébé, porte-aéronefs, remue-méninges.
Il est à signaler que dans l'ancien français certaines formations de ce genre étaient créées à l'aide d'un verbe accompagné non seulement d'un complément direct, mais aussi d'un complément indirect ou circonstan¬ciel Le français moderne a conservé des traces de cet ancien procédé de formation dans les verbes composés tels que colporter - « porter sur le cou », saupoudrer- « poudrer avec du sel “,fervêtir- «обть железом». « vêtir de fer ». maintenir- « tenir en main ». etc. Aujourd'hui ce modèle de formation a perdu sa vitalité.
Les autres types de composés sont moins productifs. Ce peuvent être des composés représentant des substantifs formés à l'origine d'un subs¬tantif et d'un adjectif dont l'ordre réciproque est archaïque : rouge-gorge, rouge-queue «горихвостка». blanc-bec, blanc-manger, rouge-barbet -«султанка (рыба) »
Un groupe semblable de composés comprend des adjectifs formés his¬toriquement d'un participe précédé d'un adverbe : bienveillant, bienséant, maldisant, malfamé.
Un autre type de composés correspond à un substantif précédé d'une préposition ou d'un adverbe : avant-scène, après-dîner, contrepoison, presqu'île, etc. L'absence de l'article devant le substantif est l'indice de l'appartenance de ces formations aux mots composés (cf aux groupes de mots libres correspondants : avant la scène, après le dîner, etc.).
Tels sont les principaux modèles des mots composés. La plupart d'entre eux remontent historiquement à une construction syntaxique. Pour¬tant à l'époque actuelle rien ne révèle plus cette construction syntaxique devenue un archaïsme. Il est notoire qu'un grand nombre de ces forma¬tions n'ont jamais été conçues comme étant des constructions syntaxi¬ques, étant créées spontanément sur les modèles existants : brise-glace, gratte-ciel, chasse-neige. Dans le français moderne tous ces types de com¬posés peuvent être considérés comme étant directement formés par la simple adjonction de bases formatives différentes.
20. Le telescopage, l'homonatopé
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Le télescopage. Par ce procédé on forme des mots issus de la fusion de deux mots exprimant des notions contiguës [23, p. 245-248J. Ainsi, sur le modèle de motel > mo[tor (car)] + [hô]tel - formation anglo-américaine - on a créé en français aquatel- « hôtel flottant qui se déplace sur l'eau » de aqua[tique] et [hô]tel. Ces formations sont très en vogue à l'heure actuelle. Citons, entre autres, cybernation de cybern[étique] et [autom]ation, télésiège de télé[férique] et siège, altiport - « petit aéro¬drome qui dessert une station de montagne » de alti[tude] et port, diathèque de dia[positive] et -thèque. eurovision de euro[péen] et [télé]vision, franglais de fran[çais] et [an]glais, panlacourt de panta[lon] et court, restaurante de restau[rant] et route, universiade - « compétition sporti¬ve internationale entre équipes universitaires » de univers[ité] et [olymp]iade, vertiport de verti[cal] et [air-]port - « terrain destiné à l'atterrissage et au décollage des hélicoptères et des avions à décollage court »,futurible de futur et [poss]ible, synonyme de futurologue.
Ce procédé économique et baroque à la fois est utilisé, d'une part, dans la publicité et dans certaines terminologies, et de l'autre, dans le langage parlé familier où il sert à fabriquer des mots plaisants comme applaudimètre de applaudi[ssements] et mètre, copocléphile de co[lleclionneur], de po[rte]-clé et phile, gastronomade de gastro[nome] et nomade.
L'onomatopée. Par l'onomatopée, signifiant proprement « for¬mation de mots », on appelle à présent la création de mots qui par leur aspect phonique sont des imitations plus ou moins proches, toujours conventionnelles, des cris d'animaux ou des bruits différents, par exem¬ple : cricri, crincrin, coucou, miaou, coquerico, ronron, glouglou, frou¬frou.
Ce procédé de formation offre une particularité par le fait qu'il s'ap¬puie sur une motivation naturelle ou phonique qui s'oppose à la motivation intralinguistique caractéristique de tous les autres procédés de forma-tion.
L'onomatopée est d'une productivité restreinte, ce qui s'explique en particulier par le caractère relativement réduit des sons perceptibles par l'oreille humaine. Signalons pourtant les créations récentes : bang [bâg] -« bruit produit par un avion supersonique », glop - « bruit ressem¬blant à un cœur qui bat », yé-yé - formé par imitation du refrain d'une chanson américaine (de « yeah . . . yeah », altération de « yes »), blabla-(bla) employé familièrement pour « bavardage, verbiage sans intérêt ». boum - « bruit sonore de ce qui tombe ou explose, baraboum ! imitant un bruit de chute, bim ! et bing ! qui évoquent un coup.
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La composition. Ce procédé de formation, quoique moins pro¬ductif que la dérivation affixale. occupe une place importante dans le système formatif du français d'aujourd'hui.
La composition est interprétée de façon différente en linguistique.
Selon une conception très répandue un mot composé en français n "est pas seulement celui qui est formé par l'adjonction de bases différentes comme, par exemple, en russe «пароход, самолет». mais n'importe quelle expression qui présente un groupement constant et usuel expri¬mant une notion, un seul concept. C'est pourquoi les locutions telles que chemin de fer, boîte aux lettres, pomme de terre, etc.. sont traitées com¬me de mots composés.
Dans la linguistique russe cette opinion simpliste sur le mot a été contestée : si chaque mot exprime effectivement une notion, un concept, il serait abusif d'affirmer que n'importe quelle expression ou locution exprimant une notion serait un mot. Selon l'académicien V. V. Vinogra-dov les groupes tels que chemin de fer, salle à manger, avoir envie (hâte, horreur, peur, pitié, etc.), chercher querelle, donner congé ne sont guère des mots composés, mais tantôt des unités phraséologiques, qui par leurs fonctions sont souvent des équivalents de mots, tantôt des groupes de mots libres [30, c. 210].
Il a été signalé précédemment1 que le professeur A.I. Smirnitsky avan¬çait le critère de l'intégrité formelle permettant de distinguer les mots composés des groupes de mots. Dans chaque langue l'intégrité formelle revêt un caractère particulier. A.I. Smirnitsky a mis l'accent sur l'intégri¬té morphologique des mots.
Pour le français l'intégrité formelle doit être comprise avant tout com¬me l'absence de rapports syntaxiques entre les composants d'un vocable qui grammaticalement et phonétiquement fonctionne comme un tout indi¬visible. Tant qu'il existe un rapport syntaxique vivant entre les éléments d'une formation on ne peut parler de mot. Quant à l'écriture liée des mots (la présence d'un trait d'union), elle n'est qu'un indice accessoire, l'or¬thographe française étant conventionnelle.
Il en est ainsi pour les formations du type timbre-poste qui sont qua-lifiées de mots composés par les linguistes français. Ici, les rapports syn-taxiques sont les mêmes que dans les groupes de mots libres qui surgissent en abondance dans la parole, tels valise avion, climat festival, début janvier,fm décembre, etc. En conséquence, timbre-poste ne saurait être con¬sidéré avec raison comme un mot composé, il devrait être traité de groupe de mots usuel. Il en va de même pour les néologismes tels que allocation-logement, crayon-feutre, assurance-maladie ou ville-dortoir, café-bar, école-pilote, homme-grenouille, mot-valise.
Par contre, il arrive que les éléments d'un vocable semblent présen¬ter un rapport syntaxique vivant et toutefois ce vocable doit être qualifié de mot composé. Qu'est-ce qui nous y autorise ? C'est parfois la non-conformité de sa structure morphologique à celle du groupe de mots cor¬respondant. Dans gendarme on rétablit aisément gens d'arme(s). Cependant gens d'arme(s) est le pluriel de homme d'arme, alors qu'on dira tout aussi bien un gendarme que des gendarmes.
Même là où autrefois on avait un groupe de mots on peut se trouver aujourd'hui en présence d'un mot composé dont les éléments n'offrent plus de rapport syntaxique. Tel est le cas de rouge-gorge. Les rapports syntaxiques qui existaient dans l'ancien français entre les éléments de cette formation ne correspondent plus à ceux du français moderne ; cela signifie qu'il n'y a plus aujourd'hui de rapport syntaxique à l'intérieur de ce vocable qui est devenu à la suite de son développement historique un mot composé. Le s que l'élément rouge prend au pluriel (rouges-gorges) n'est point la marque d'un rapport syntaxique actuel, mais rien autre qu'un vestige de l'ancien rapport syntaxique conservé par l'ortho¬graphe traditionnelle et retardataire. Les vocables du type de rouge-gor¬ge, rond-point, grand-rue doivent être traités de nos jours de mots composés formés par l'adjonction pure et simple de bases normatives différentes.
Parfois c'est la non-conformité du fonctionnement syntaxique du mot composé à celui des éléments du groupe de mots correspondant. Un qu 'en dira-t-on, un sans- le-sou, le trop-plein (de l'âme), un prêt-à-porter fonc¬tionnent comme des substantifs quoique souvent il n'y ait même pas un seul substantif parmi leurs composants.
C'est aussi la non-conformité de la prononciation des éléments d'un mot composé à celle du groupe de mots correspondant. Tels sont les cas de vinaigre, béjaune (cf. à la prononciation de vin aigre, bec jaune).
La disparition d'un rapport syntaxique ancien à l'intérieur d'un vo¬cable a souvent pour conséquence que ce dernier constitue un modèle de formation pour la création d'autres mots composés.
La composition est surtout caractéristique des noms.
Passons en revue les types essentiels de mots composés dans le fran¬çais moderne.
Les mots composés qui ont été originairement formés à l'aide de plusieurs bases formatives : microscope, galvanomètre, bibliophile, gy¬rophare, téléscaphe : les bases formatives de certains de ces composés sont reliées par les voyelles-copules -o- et -i-. hydroplane, phonographe, magnétophone, fî/moscope, technocrate, tyrannicide ; franco-russe, russophile, politico-économique, vermivore, fébrifuge, horticulture.
La plupart de ces composés sont des formations savantes créées et employées dans l'une ou l'autre terminologie spéciale. Pourtant il ne faut pas en conclure que les créations de ce genre restent àjamais confi-nées dans la terminologie. Avec la vulgarisation des réalisations techni¬ques et scientifiques, tout comme les autres mots savants, elles pénètrent dans la langue commune. Même des créations récentes telles que cosmo-naute, cosmodrome, gazoduc, discophile sont devenues d'un usage cou¬rant.
La présence dans ces composés d'éléments latins et grecs leur confè¬re souvent une portée internationale.
Par contre les autres types de mots composés sont des créations po¬pulaires d'un large emploi.
Tels les substantifs composés dont le premier élément est étymologi-quement un verbe transitif (à l'impératif, conçu plus tard comme la 3' personne du singulier du présent), le second - un substantif, exprimant le régime de l'action : hochequeue, presse-purée, presse-papier, monte-char¬ge, porte-clefs, tire-bouchon, porte-plume, garde-robe, passe-thé, gagne-pain, hochequeue, perce-neige, brise-glace, couvre-chef, passe-temps, couvre-lit, coupe-ongles, passe-montagne, vide-ordures, épluche-légumes, pèse-personne, porte-savon, sèche-cheveux.
L'absence de l'article devant le substantif nous autorise à qualifier ces formations de mots composés (cf. : aux groupes de mots libres correspon¬dants : il tire le bouchon, il passe le temps, etc.).
Ce procédé de formation est particulièrement fécond en français con¬temporain. Parmi les formations récentes nommons : lave-linge, lave-gla¬ce, lave-vaisselle, porte-bébé, porte-aéronefs, remue-méninges.
Il est à signaler que dans l'ancien français certaines formations de ce genre étaient créées à l'aide d'un verbe accompagné non seulement d'un complément direct, mais aussi d'un complément indirect ou circonstan¬ciel Le français moderne a conservé des traces de cet ancien procédé de formation dans les verbes composés tels que colporter - « porter sur le cou », saupoudrer- « poudrer avec du sel “,fervêtir- «обть железом». « vêtir de fer ». maintenir- « tenir en main ». etc. Aujourd'hui ce modèle de formation a perdu sa vitalité.
Les autres types de composés sont moins productifs. Ce peuvent être des composés représentant des substantifs formés à l'origine d'un subs¬tantif et d'un adjectif dont l'ordre réciproque est archaïque : rouge-gorge, rouge-queue «горихвостка». blanc-bec, blanc-manger, rouge-barbet -«султанка (рыба) »
Un groupe semblable de composés comprend des adjectifs formés his¬toriquement d'un participe précédé d'un adverbe : bienveillant, bienséant, maldisant, malfamé.
Un autre type de composés correspond à un substantif précédé d'une préposition ou d'un adverbe : avant-scène, après-dîner, contrepoison, presqu'île, etc. L'absence de l'article devant le substantif est l'indice de l'appartenance de ces formations aux mots composés (cf aux groupes de mots libres correspondants : avant la scène, après le dîner, etc.).
Tels sont les principaux modèles des mots composés. La plupart d'entre eux remontent historiquement à une construction syntaxique. Pour¬tant à l'époque actuelle rien ne révèle plus cette construction syntaxique devenue un archaïsme. Il est notoire qu'un grand nombre de ces forma¬tions n'ont jamais été conçues comme étant des constructions syntaxi¬ques, étant créées spontanément sur les modèles existants : brise-glace, gratte-ciel, chasse-neige. Dans le français moderne tous ces types de com¬posés peuvent être considérés comme étant directement formés par la simple adjonction de bases formatives différentes.
20. Le telescopage, l'homonatopé
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Le télescopage. Par ce procédé on forme des mots issus de la fusion de deux mots exprimant des notions contiguës [23, p. 245-248J. Ainsi, sur le modèle de motel > mo[tor (car)] + [hô]tel - formation anglo-américaine - on a créé en français aquatel- « hôtel flottant qui se déplace sur l'eau » de aqua[tique] et [hô]tel. Ces formations sont très en vogue à l'heure actuelle. Citons, entre autres, cybernation de cybern[étique] et [autom]ation, télésiège de télé[férique] et siège, altiport - « petit aéro¬drome qui dessert une station de montagne » de alti[tude] et port, diathèque de dia[positive] et -thèque. eurovision de euro[péen] et [télé]vision, franglais de fran[çais] et [an]glais, panlacourt de panta[lon] et court, restaurante de restau[rant] et route, universiade - « compétition sporti¬ve internationale entre équipes universitaires » de univers[ité] et [olymp]iade, vertiport de verti[cal] et [air-]port - « terrain destiné à l'atterrissage et au décollage des hélicoptères et des avions à décollage court »,futurible de futur et [poss]ible, synonyme de futurologue.
Ce procédé économique et baroque à la fois est utilisé, d'une part, dans la publicité et dans certaines terminologies, et de l'autre, dans le langage parlé familier où il sert à fabriquer des mots plaisants comme applaudimètre de applaudi[ssements] et mètre, copocléphile de co[lleclionneur], de po[rte]-clé et phile, gastronomade de gastro[nome] et nomade.
L'onomatopée. Par l'onomatopée, signifiant proprement « for¬mation de mots », on appelle à présent la création de mots qui par leur aspect phonique sont des imitations plus ou moins proches, toujours conventionnelles, des cris d'animaux ou des bruits différents, par exem¬ple : cricri, crincrin, coucou, miaou, coquerico, ronron, glouglou, frou¬frou.
Ce procédé de formation offre une particularité par le fait qu'il s'ap¬puie sur une motivation naturelle ou phonique qui s'oppose à la motivation intralinguistique caractéristique de tous les autres procédés de forma-tion.
L'onomatopée est d'une productivité restreinte, ce qui s'explique en particulier par le caractère relativement réduit des sons perceptibles par l'oreille humaine. Signalons pourtant les créations récentes : bang [bâg] -« bruit produit par un avion supersonique », glop - « bruit ressem¬blant à un cœur qui bat », yé-yé - formé par imitation du refrain d'une chanson américaine (de « yeah . . . yeah », altération de « yes »), blabla-(bla) employé familièrement pour « bavardage, verbiage sans intérêt ». boum - « bruit sonore de ce qui tombe ou explose, baraboum ! imitant un bruit de chute, bim ! et bing ! qui évoquent un coup.