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1.5 Jargon journalistique
Vu que la langue est une structure compliquée et polyfonctionnelle, elle varie en registres qui aident à préciser le statut et l’état émotionnel du sujet parlant et de cibler mieux son discours. C’est pour cela que chaque domaine de la vie est doté du répertoire spécifique, surtout lexical, reflétant les particularités de ce domaine et soulignant l’envie du groupe des gens de se comprendre ou de se distinguer d’autrui. La presse (et les médias, en général), comme tout autre domaine, dispose de son jargon professionnel, coloré et développé. L’étude et l’analyse de ce jargon pourraient être fructueuses et utiles non seulement pour élargir et généraliser les particularités du langage publiciste, mais aussi pour contribuer à la typologie comparative des deux langues – russe et française. Leurs caractéristiques mentionnées ci-dessous, se manifestent très nettement dans le jargon des journalistes de deux pays. Etant une langue à structure analytique, le français manipule les mots aux significations plutôt abstraites, utilise la conversion directe des parties du discours, abonde en métaphores et métonymies en fonction des moyens de la formation de mots. Tandis que le russe, langue synthétique, qui opère habilement les affixes pour attribuer à un mot (à un groupe de mots) un sens nouveau ou une connotation, tend à exprimer ce sens explicitement, à la différence du français, qui le ferait d’une façon implicite.
Dans son acception actuelle en sciences du langage, le mot jargon désigne un parler du type sociolectal propre aux représentants d'une profession ou d'une activité. Contrairement à l'une des représentations que l'on peut avoir de l'« argot », le but premier du jargon n'est pas d'exclure tout étranger au groupe par un langage crypté. Le non-initié risque de ne pas comprendre le jargon, mais celui-ci ne s'est pas développé dans ce but. Le jargon a principalement des fonctions économiques et identitaires.
Dans sa fonction économique, le jargon, se développant au sein d'un groupe spécialisé et réuni autour d'une activité générale, se doit d'abord de mieux décrire les réalités que connaît spécifiquement ce groupe. Il vise l'efficacité de l'exprеssion, mais aussi sa clarté, sa concision, et l'absence d'ambiguïté. Pour une personne extérieure, le vocabulaire de base suffira probablement à décrire une activité, mais dès lors qu'on approfondit le domaine, il devient nécessaire de traduire la complexité des réalités à travers un langage plus précis.
Sa fonction identitaire consiste en ce que, parallèlement, le jargon resserre le groupe en introduisant une complicité due au langage. Les locuteurs étant les détenteurs de leur propre parler spécialisé (composé de termes largement connotés) qui permet leur cohésion et leur distinction des étrangers au groupe. Le groupe crée des mots qui reflètent une expérience particulière de la réalité, et en cela le jargon incorpore en lui l'identité et la culture du groupe.
Le jargon revêt aussi une fonction ludique, mais cette caractéristique est moins marquée. Les mots sont largement connotés, ne serait-ce que parce que la création lexicale est motivée par des préférences propres au domaine professionnel. Certaines expressions témoignent clairement de l'humour qui peut faire naître des termes jargonneux. Tout cela permet aux locuteurs de « s'amuser » avec leur langage. Ainsi le jargon parlé dans les entreprises emprunte au vocabulaire professionnel ou financier mais comporte aussi des formules toutes faites, des sigles, des codes, des grammaires originales et des emprunts à l’anglais (ou plus rarement à d'autres langues étrangères).
Il faut distinguer le jargon du technolecte, qui partage avec lui sa fonction économique mais n'a pas du tout les caractères identitaire et ludique du jargon. Le technolecte est un moyen d'exprimer des réalités spécialisées avec une objectivité froide, dénuée de toute connotation. Pour trouver ses mots, le technolecte a recours à la rigueur de la terminologie officielle alors que le jargon crée ses expressions propres.
Les jargonismes journalistiques abondent dans les articles critiques:
« …qu’une interview du journaliste américain… publiée mardi 5 février en dernière page et annoncée à la “une”, ait été réalisée par une pigiste extérieure... – чтоинтервьюсамериканскимжурналистом, опубликованное 5 февралявовторникнапоследнейстраницеианонсированноенапервойполосе, былопроведеновнештатнойсотрудницей… » [6]
« …l’image fait le bonheur des gazettes… – …имиджприноситуспехгазетамигазетёнкам… » [7]
« …le site Internet Rue89 reprend un scoop censuré au “Journal du dimanche”… – …сайтвИнтернете Улица89 вновьберетсязаужезацензурированныйв “Воскреснойгазете” эксклюзив… » [7]
« ...une dépendance réciproque entre juges et journalistes : je soutiens ton enquête dans mes colonnes, tu me fournis la matière de scoops (parfois faux) sur les affaires politico-financières. – …взаимозависимостьсудейижурналистов : япродвигаютвоиделавсвоихстатьях, тыменяснабжаешьэксклюзивами (иногдафальшивыми) пополитическимифинансовымделам ». [5]
« Un matin en lisant “Le Monde”, Rollat découvre qu’il a été éjecté de l’“ours”... – Однаждыутром, читаяЛеМонд, Роллаобнаруживает, чтоегоименибольшенетввыходныхданныхгазеты… » [8]
Un des articles dans « Le Monde 2 » témoigne de l’apparition d’une nouvelle notion « UBM » :
« Dans les couloirs des ministères... UBM signifie “unité de bruit médiatique” . [...] La société d’études et de marketing [...] préfère parler d’“unité de buzz médiatique” l’associant aussi au marketing viral... – В коридорахминистерств ЮБМ означает “единицамедийноговнимания”. […] Общество по изучению маркетинга […] предпочитает говорить о “единице медийногожужжания”, связывая её с вирусным маркетингом… » [9]