многабуков из интернета1.1 La variation linguistique
La langue française ne constitue pas un tout homogène. Au contraire, elle présente de nombreuses variations de sorte qu'il y a rarement une seule façon d'exprimer la même chose. Pour exprimer une même réalité, il existe plusieurs variantes, c'est-à-dire des formes linguistiques différentes qui véhiculent le même sens. Ces variations tiennent d'abord aux différences entre le français écrit et le français parlé et ce dernier présente à son tour des variations d'ordre linguistique, géographique, social ou de registre.
1.1.1 Français écrit, français parlé
On distingue dans un premier temps le français parlé et le français écrit. Il n'est pas clair s'il s'agit de deux codes distincts ou de deux réalisations différentes d'un même code, si les similitudes sont plus nombreuses que les différences. Peu importe, les différences existent et de façon importante. On a pu les identifier quant aux constituants de surface : les graphèmes ou les phones et quant aux autres niveaux de l'analyse linguistique : la phonologie, la morphologie (grammaticale), la syntaxe, le lexique. On a également fait ressortir des différences entre les activités de production orale (parler) et écrite (écrire) de même qu'entre les activités de réception orale (écoute) et écrite (lecture). Les situations de communication diffèrent elles aussi par plusieurs aspects selon que le « canal » écrit ou oral est utilisé. L'existence de telles différences conduit à aborder différemment la question de la nomme selon qu'il s'agit du français parlé ou du français écrit.
1.1.2 La norme en français écrit
Dans l'ensemble, le problème de la norme se pose avec peu d'acuité en français écrit. En effet, les textes publiés sont presque tous écrits dans un français qui respecte les prescriptions d'orthographe lexicale et grammaticale telles qu'elles apparaissent dans les dictionnaires comme le Larousse ou le Robert et dans les grammaires comme celle de Grevisse. Malgré les velléités de réforme orthographique et l'intérêt social et pédagogique suscité par cette dernière, la nécessité d'une orthographe et d'une grammaire uniques du français écrit n'est à peu près pas contestée. La perspective normative s'impose d'autant plus facilement qu'il n'y a pas multiplicité des usages orthographiques et grammaticaux2. Malgré l'arbitraire de l'orthographe lexicale et de la grammaticalité morphologique, morphosyntaxique et syntaxique, l'enseignement du français écrit s'inscrit dans le cadre des grammaires et des dictionnaires normatifs existants.
1.1.3 Les variations du français parlé
À l'oral, le français, comme toutes les langues, est moins homogène et se prête à de nombreuses variations d'usage. Les études réalisées jusqu'à maintenant révèlent que les variations sont beaucoup plus considérables aux niveaux lexical et phonologique qu'aux niveaux syntaxique et morphologique. En outre, elles permettent de distinguer quatre types de variations : des variations d'ordre social, des variations de registres, des variations dues à des contraintes linguistiques et des variations d'ordre géographique.
Les dernières, connues depuis longtemps, sont les plus accessibles à l'expérience commune. Les accents, par exemple, constituent des façons différentes de diré les mêmes mots et varient d'un pays, d'une région et quelquefois d'un village à l'autre. C'est souvent par l'accent que l'on peut identifier l'origine géographique de quelqu'un. Le lexique quotidien varie également en fonction des régions de la francophonie. Il est connu depuis longtemps que l'on prend son petit déjeuner, que l'on déjeune et que l'on dîne à Paris alors qu'à Montréal on déjeune, on dîne et on soupe. Les études de dialectologie géographique livrent de très nombreuses variantes lexicales et phonologiques. L'ensemble des variantes ayant cours dans une région donnée constitue ce qu'on peut appeler une variété dialectale. C'est le cas, par exemple, du français québécois, du français parisien, etc.
Les variations d'ordre social comprennent des variantes reliées à des variables qui ont pu être isolées expérimentalement. Chambers et Trudgill (1980) mentionnent notamment la classe sociale, le sexe, l'appartenance à un groupe ethnique, les réseaux sociaux, l'âge et différents facteurs individuels. Les relations entre les variantes et les variables mentionnées ci-dessus semblent plutôt se situer sur un continuum que se présenter de façon dichotomique ou discontinue. Il ne s'agit pas d'une classe socioéconomique utilisant exclusivement une variante et d'une autre classe utilisant une deuxième variante, une de ces variantes étant généralement perçue comme plus correcte. En général, dans une situation de communication identique, tous les groupes auraient tendance à utiliser les deux variantes, mais dans des proportions différentes. En d'autres termes, les locuteurs posséderaient un répertoire de formes linguistiques concurrentes dont la disponibilité varierait en fonction de l'âge, du sexe, de la classe sociale, etc., des locuteurs. Il s'agit de variations sociales, de ce que Laks (1977 : 114), à la suite de Labov (1972), appelle « la stratification sociale » de variables linguistiques.
L'utilisation par le même locuteur d'une variante plutôt que d'une autre dépend sans doute de plusieurs facteurs comme l'état psychosomatique du locuteur, le sujet dont il parle, sa relation avec l'interlocuteur, etc. Pour le moment, les études indiquent clairement que le choix dépend de la situation de communication où le locuteur se trouve et, bien sûr, de la perception qu'il en a. Expérimentalement, Labov (1971) a trouvé que le contexte situationnel constituait un facteur de variation. Ainsi, la prononciation du /r/ post-vocalique a varié chez des adultes new-yorkais selon qu'ils étaient dans un contexte informel ou dans un contexte formel ou qu'ils lisaient des listes de mots ou des paires minimales. Il s'agit ici de variations « stylistiques », c'est-à-dire de variations dues à des changements de situation de parole d'un même locuteur.
La distinction entre variations sociales et variations stylistiques permet de mieux définir la notion de registre. Ce terme, plus neutre, est préféré à l'expression « niveau de langue » qui dénote « des présupposés subjectifs implicites » (Mounin, 1975 : 133) et une hiérarchisation sociale des variantes linguistiques. Pour les fins de cet article, nous définissons le registre comme l'ensemble des variantes linguistiques qui se retrouveraient probablement le plus fréquemment dans tel type de communication. Il correspond en gros à registrer ou speech style. Nous suggérons donc de limiter la notion de niveau aux variations d'ordre stylistique et non social.
Il n'est pas facile de déterminer ces registres. En effet, une typologie des situations de communication semble pour le moment impossible à réaliser à cause en particulier de la complexité des interrelations entre les composantes de la communication : locuteur, intention, encodage, canal, message, décodage, interprétation, interlocuteur, contexte, référents. On ne peut identifier les différents registres que de façon arbitraire, intuitive et théorique. En gros, les auteurs s'entendent pour distinguer à l'oral soit deux niveaux : formel et informel, soit trois niveaux : populaire et courant (informel), de même que soutenu (formel). À l'écrit, on pourrait dégager les niveaux familier, correct et littéraire. Un exemple serait utile pour illustrer les correspondances de registre entre le code oral et le code écrit. Ainsi, l'omission du ne de négation serait courante (informelle) à l'oral mais familière à l'écrit alors que la présence du ne serait un indice d'un niveau écrit correct et d'un niveau oral soutenu (formel). Le tableau présenté en annexe fournit des exemples de registres québécois. Quoique la notion en soit théorique et les classifications encore arbitraires, les registres de langue fournissent un outil utile pour essayer de rendre compte d'une partie de la variation linguistique.
Un dernier type de variations peut se produire effectivement pour un même locuteur à l'intérieur d'un même type de situations ou de la même situation de communication. Irréductible aux trois variations précédentes, il s'agit d'une variation qui se déduit de « l'hétérogénéité interne au système linguistique lui-même » (Lasks, 1977 : 114). Ainsi, les phonèmes se réalisent de façon différente en fonction de leur environnement Les traits des phonèmes environnants influencent en effet la réalisation du phonème, comme dans le cas de /g/ qui est plus ou moins palatalisé lorsqu'il est suivi d'une voyelle antérieure comme /i/, /y/ ou /e/ et plus ou moins vélarisé lorsqu'il est suivi d'une voyelle postérieure comme /u/ ou //. Ce type de variation, longtemps considéré comme variation « libre », n'a rien de libre et tout de systématique : il semble obéir à des règles contraignantes.
1.2.4 Une ou des normes pour le français parlé?
Par rapport à la réalité de la variation linguistique, mise en évidence dans l'utilisation du code oral, est-il possible de concevoir l'existence d'une norme qui serait unique et prescriptive? Dans ce cas, une variété dialectale, une variété sociale et un registre seraient considérés comme appartenant à la norme et, de ce fait, qualifiés de standard. Les autres variantes seraient alors perçues de façon négative comme des écarts, des particularismes, des dialectologismes, des termes populaires, etc. Il est intéressant de constater que le français oral standard, en d'autres termes le bon usage, dans la mesure où il existe, a tendance à être défini comme l'intersection de trois ensembles : la variété parisienne, la variété « bourgeoise » et le registre formel.
Dans une critique importante de ce qu'il appelle le discours prescriptif, Alain Rey (1972, pp. 17-19) déplore que ce dernier confonde le bon usage et la norme avec la langue elle-même et qu'il effectue une évaluation critique et hiérarchisante des autres usages et, à travers eux, des usagers. Également, les justifications les plus fréquentes du discours normatif lui apparaissent à juste titre peu convaincantes, qu'elles soient d'ordre logique, historique, esthétique ou qu'elles invoquent l'efficacité sociale, c'est-à-dire l'amélioration du rendement informationnel et, partant, de la communication.
Contrairement au discours prescriptif et même normatif, la réalité des variations linguistiques orales semble révéler de fait l'existence de plusieurs nommes plus ou moins différentes, chacune fondée directement, anthropologiquement en quelque sorte, sur l'usage linguistique courant dans la communauté linguistique ambiante. Le fait qu'il n'existe pas de grammaire ou de dictionnaire normatif de la langue orale illustre la difficulté d'établir dans ce domaine une nonne prescriptive. Ce qui importe dans les situations de communication orale, c'est d'utiliser les variantes comprises par l'interlocuteur et socialement admises par lui. Pour être compris et pour être intégrés à la communauté, les individus utilisent un code conforme à l'usage de cette communauté.
Les écarts par rapport à l'usage admis implicitement risquent, en fonction de leur amplitude ou de leur connotation sociale, de conduire soit à des incompréhensions, soit à des rejets sociaux plus ou moins explicites. Il n'y a donc pas de norme prescriptive explicite, mais des usages variés que les interlocuteurs ont inconsciemment tendance à respecter dans leurs discours en fonction de l'acceptation sociale désirée et des objectifs d'intercompréhension poursuivis. Il y aurait donc des normes inconscientes de type descriptif, c'est-à-dire des normes construites par induction à partir d'un large corpus (Rey, 1972 : 21) et résultant d'une procédure de découverte inconsciente. Le locuteur a intériorisé une grammaire et un dictionnaire de l'usage ambiant, ou mieux, des usages ambiants.
S'il n'y a pas comme à l'écrit une norme grammaticale et phonologique prescriptive, il n'en demeure pas moins que les usages oraux sont perçus différemment par les usagers. Même si les locuteurs utilisent plusieurs de ces usages, ils ont tendance à privilégier et à valoriser l'usage formel ou soutenu de préférence aux autres. Ce modèle culturel varie géographiquement en fonction des communautés. Ainsi l'usage oral privilégié comme modèle est partiellement différent au Québec et en France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. La réalité de ce modèle culturel a été empiriquement démontrée par deux ensembles de recherches : les recherches portant sur les attitudes et celles portant sur les variations.
Les premières, celles de D'Anglejan et Tucker (1973), de Méar-Crine et Leclerc (1976) et de Lambert et Lambert (en cours en 1975), arrivent presque toutes aux mêmes constatations. Des sujets québécois de toutes les classes sociales jugent de façon plus favorable les personnes quand elles utilisent un français « européen » que lorsqu'elles utilisent un français « québécois ». Ce jugement est sollicité dans une situation expérimentale présentant l'enregistrement des mêmes voix utilisant alternativement des variétés différentes selon la technique du matched guise développée par Lambert et al. (1966). D'autres recherches (Sorecom, 1973; Boudreault et al. 1974; Rémillard, 1972; Laberge et Chiasson, 1971), utilisant cette fois la technique de l'enquête, concluent que le français soutenu, européen ou international, est considéré comme meilleur que le français familier, populaire ou québécois.
Le deuxième ensemble de recherches rapportées par Chambers et Trudgill (1980 : 71 et 82) aboutit à la conclusion que les groupes sociaux, même s'ils utilisent dans des proportions différentes les variantes linguistiques, concordent tous pour utiliser davantage les mêmes variantes en fonction des changements de situations de communication. Ainsi dans les situations plus formelles, les sujets de tous les groupes tendent à augmenter leur utilisation des variantes de statut social élevé. Cette tendance semble même plus prononcée chez les sujets appartenant à des groupes sociaux économiquement inférieurs.
En somme, le français parlé présente plusieurs usages acceptés et, par conséquent, plusieurs normes. Un ensemble de variantes apparaît comme socioculturellement valorisé particulièrement dans les situations plus formelles de communication.